Loi Badinter du 5 juillet 1985 : tout ce qu’il faut savoir
Le 5 juillet 1985, afin de mettre fin à des débats doctrinaux, l’assemblée nationale adopte la loi Badinter. Portant le nom du garde des sceaux en exercice à cette date, son objectif est double. D’une part, l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation. D’autre part, l’accélération des procédures d’indemnisation.
Afin que chaque conducteur puisse indemniser les victimes de la circulation, la solution de l’assurance responsabilité civile obligatoire s’est à nouveau imposée. En effet, celle-ci existait déjà depuis1958). Ainsi, tout conducteur doit donc assurer au minimum son véhicule en souscrivant une garantie RC. Pour comprendre ce mécanisme de responsabilité visant à indemniser toutes les victimes, il est nécessaire de préciser les conditions d’application de la loi de 1985 et les droits à l’indemnisation qu’elle a envisagés.
Les conditions d’application et les effets de la loi Badinter
L’article 1er de la loi indique que ses dispositions « s’appliquent aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques ». C’est à travers cette phrase qu’on repère les conditions d’application de la loi Badinter. À savoir la présence d’une victime, d’un accident, d’un accident de la circulation, d’une implication ainsi que d’un véhicule terrestre à moteur.
Une victime
La notion de victime s’entend de manière très large puisqu’il peut s’agir d’un :
- Conducteur
- Non conducteur/passager
- Non conducteur : cycliste, piéton, cyclomotoriste, propriétaire d’un bien, etc.
La seule idée à retenir est que la loi ne s’applique que si un tiers est victime. En effet, l’accident dont on est responsable et dont on est la seule victime n’est pas régi par le dispositif Badinter. À ce titre, la jurisprudence rappelle que « le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ne peut se prévaloir de la loi du 5 juillet 1985 à l’encontre de son propre assureur, pour obtenir l’indemnisation de son dommage en l’absence de tiers débiteur d’une indemnisation à son égard ».
Un accident
La notion d’accident suppose que le sinistre ne repose pas sur une infraction volontaire.
En effet, il faut établir l’existence d’un aléa de la route. La jurisprudence rappelle que « la loi du 5 juillet 1985 n’est applicable qu’aux seuls accidents de la circulation à l’exclusion des infractions volontaires ».
Ainsi, le choc d’une voiture volée contre un véhicule de police ou l’incendie volontaire d’un véhicule ne peuvent conduire à invoquer la loi Badinter.
Un accident de la circulation
La notion de circulation implique que l’accident se produise :
– Sur des voies destinées à accueillir une circulation publique des véhicules ;
– Sur des voies privées, parkings ou garages.
L’accident doit donc s’envisager à l’occasion d’un déplacement (même s’il n’y a pas encore eu mouvement) sur des voies qui ne font pas l’objet d’une circulation réservée. Ainsi, un accident entre deux véhicules sur un circuit ne permet pas d’invoquer la loi Badinter. Également, un accident concernant un tramway n’est régi par la loi Badinter qu’à condition que le tramway partage sa voie avec d’autres véhicules.
Une implication
La notion d’implication est envisagée de manière très souple. En effet, on considère qu’un « véhicule est impliqué dans un accident dès lors qu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans cet accident ».
Peu importe que le véhicule soit en mouvement ou non. Peu importe également qu’il ait été heurté. Il suffit de constater qu’il a joué un rôle dans l’avènement de l’accident. Les juges rappellent que, « en l’absence de manœuvre perturbatrice de sa part, la seule présence d’un véhicule ne suffit pas à établir son implication ».
Un véhicule terrestre à moteur (VTM)
Il s’agit ici de tout moyen de transport terrestre doté d’un moteur à propulsion ne circulant pas sur des rails. Ainsi, en font partie les voitures, les camions, les motocyclettes ainsi que les cyclomoteurs. En font également partie les engins agricoles ainsi que les engins de chantier. S’intègrent au véhicule tous les éléments attelés (remorques, semi remorques). On exclue donc tous les véhicules ne circulant pas sur terre, comme les avions ou les scooters des mers. On exclue également ceux circulant sur terre mais à l’aide d’une force extérieure ( traction animale, semi-remorques, etc.
En cas de panne, le véhicule conserve son statut de véhicule terrestre à moteur. Ainsi, un vélomoteur dont le moteur ne fonctionne pas demeure un VTM au sens de la loi Badinter.
Loi Badinter et l’indemnisation
Pour permettre une large indemnisation, l’article 2 de la loi dispose :
Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule mentionné à l’article 1er..
Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, article 2
Ainsi, le conducteur d’un véhicule projeté (et son assureur) contre un véhicule ne peut refuser d’indemniser le propriétaire de ce dernier sous prétexte d’un troisième véhicule ayant causé l’accident. Il indemnisera donc le propriétaire du véhicule qu’il a lui-même endommagé. Puis, il exercera un recours contre le troisième véhicule.
Partant de ce principe, la loi s’attache ensuite à définir les droits à indemnisation des victimes. Elle opère une distinction selon leur statut et la nature des dommages causés par l’accident.
L’ensemble de ces droits à réparation seront honorés par les assureurs RC des véhicules impliqués. Les victimes n’ont pas à se voir opposer les recours que ces derniers vont exercer entre eux. En effet, des conventions sont établies. Il s’agit de la convention IRSA (Indemnisation directe de l’assuré et de Recours entre les Sociétés d’Assurance automobiles). Mais également de convention IRCA (Indemnisation directe de l’assuré et de Recours Corporel de l’Assuré).
La notion de faute selon la loi Badinter
C’est au regard de la jurisprudence que s’apprécie la faute du conducteur et du non conducteur.
La faute du conducteur en débat
Deux arrêts successifs reviennent sur la faute du conducteur constituée par une conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de stupéfiants. Celui du 13 octobre 2005, ainsi que celui du 6 avril 2007.
En 2005, afin de « limiter le droit à indemnisation d’un conducteur », les juges retenaient cette faute. en 2007, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a pris une toute autre orientation. Pour lire en détail ces décisions, vous pouvez cliquer sur les liens suivants :
- Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 13 octobre 2005, 04-17.428
- Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 avril 2007, 05-15.950
La faute du non conducteur en débat
Le comportement fautif du non conducteur fait lui aussi débat. En effet, l’interprétation des juges évolue eu égard aux circonstances comme le démontre deux décisions de justice. Vous pouvez lire en détail ces décisions en cliquant sur les liens suivants :
- Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 5 février 2004, 02-15.383 01-03.585
- Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 20 avril 1988, 87-11.193
Loi Badinter : pour aller plus loin
- Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985
- Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 30 juin 2005. 04-10.996
- Cour de Cassation, Assemblée plénière, 10 novembre 1995
- Cour de Cassation, arrêt du 11 avril 2002, n°00-12224
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