MUTUALISATION DES RISQUES DANS L’ASSURANCE

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Le fonctionnement de l’assurance est paradoxal. D’une part, le principe est simple. D’autre part, les mécanismes déterminant le montant de la cotisation (ou prime) sont  complexes. Pour comprendre la base du fonctionnement de l’assurance, il faut s’intéresser à deux  concepts : la mutualisation des risques et la loi des grands nombres.

Qu’est-ce que la mutualisation des risques ?

La mutualisation est le principe fondateur de l’assurance. Celui-ci  se base sur  le fait qu’un danger est susceptible de survenir. Ainsi, le  principe de mutualisation consiste à répartir le coût de la réalisation du danger entre les membres d’un groupe soumis potentiellement au même danger et qui pourrait frapper certains d’entre eux.

Le juriste Joseph Hémard énonce ce principe dans sa définition concise de l’opération d’assurance :

 « un assureur organise en mutualité une multitude d’assurés  exposés à la réalisation de risques déterminés ».

Ainsi, la mutualisation des risques est une répartition du coût de la réalisation des risques entre les membres d’un groupe d’assurés, qui partagent la même possibilité d’être victimes d’un sinistre. C’est donc un principe de solidarité entre assurés. Il implique que chaque assuré verse sa cotisation sans savoir si c’est lui ou un autre assuré qui aura besoin d’être indemnisé.

Le principe de solidarité mutuelle a engendré deux autres concepts propres à l’assurance : le principe indemnitaire et la gestion par répartition. En effet, le principe indemnitaire à pour but d’éviter de faire de l’assurance un moyen de spéculation. Cela fausserait les règles de la mutualité et l’équité les entre assurés. Également, la gestion par répartition est la stricte application de l’opération d’assurance, puisqu’elle « indemnise ceux d’entre eux qui subissent un sinistre grâce à la masse commune des primes ou cotisations collectées ».

Ainsi, l’assureur redistribue aux victimes des sinistres la masse des cotisations payées par l’ensemble des assurés. L’assuré qui n’a pas subi de sinistre ne récupère pas ses cotisations, on parle d’assurance « à fonds perdus ».

Comment fonctionne la mutualisation des risques ?

entraide

Pour que la mutualisation des risques fonctionne au mieux, l’assureur doit faire en sorte de réunir un grand nombre d’assurés. En effet, cela allège la charge de chacun en termes de cotisation. En revanche, ceci ne peut fonctionner qu’à une seule condition : bien sélectionner les risques. Dans tous les cas, plus la mutualité est  importante et plus la compensation est  facilitée. Chaque société d’assurance constitue ainsi sa mutualité, quelle que soit sa forme juridique.

Pour réunir le plus grand nombre possibles d’assurés, on dit que l’assureur à une « nécessité de production ». Cela signifie qu’il doit réaliser en permanence des « affaires nouvelles » pour compenser l’érosion naturelle de son portefeuille. En effet, il doit chaque année remplacer des contrats qu’il a résilié pour différentes raisons : disparition du risque, décès de l’assuré, départ à la concurrence, etc.

Donc plus la mutualité sera importante et plus la compensation sera facilitée.

Selon cette idée, dans le domaine de la complémentaire santé, des contrats collectifs sont mis en œuvre par les chefs d’entreprises pour leurs employés. Ici, la  mutualisation des risques entre tous les adhérents-assurés permet de diminuer le coût des garanties offertes par rapport à un contrat individuel.

La loi des grands nombres et l’assurance

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La mutualisation des risques nous aide à comprendre le fonctionnement primaire de l’assurance. Cependant, il ne nous informe pas sur la manière de calculer un risque. Pour cela il faut s’intéresser aux lois de la statistique. En effet, la particularité de l’assurance est la souscription du contrat alors que son coût définitif n’est pas connu. Il est donc impossible pour l’assureur de connaître, au moment de la vente du contrat, quel sera son prix de revient. Celui-ci dépendra du nombre de sinistres à indemniser et du montant de ces sinistres. La cotisation doit être ainsi fixée par anticipation, en constituant des provisions techniques et en s’appuyant sur des données statistiques. On appelle cela « l’inversion du cycle de production ».

Pour apprécier les risques, les assureurs se basent donc sur la « loi des grands nombres ». C’est un mathématicien suisse du nom de Jacques Bernouilli qui énonça cette loi au XVIIIème siècle. Selon cette loi, plus le nombre d’expériences augmente, plus les résultats s’approchent de la probabilité théorique. L’exemple le plus connu pour illustrer cette loi est le jeu de pile ou face. Théoriquement, il y a une chance sur deux de tomber sur pile. C’est ce qu’on appelle la probabilité théorique. Pour autant, il n’est pas impossible  qu’en jouant  1 000 fois d’affilée, de tomber 1 000 fois sur pile. En faisant l’expérience, on constate qu’on obtient environ 50 % de pile et 50 % de face, soit la probabilité théorique.

C’est donc sur cette loi que repose l’appréciation des risques en assurance. L’assureur utilise des méthodes mathématiques pour sélectionner des risques acceptables et calculer le montant des cotisations. La personne chargée de ces calculs s’appelle l’actuaire. Sa fonction primordiale fait de lui un personnage clé de l’entreprise d’assurance.

Préserver la mutualité : la sélection des risques

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Pour préserver sa mutualité, l’assureur a comme priorité de sélectionner des risques dits homogènes et normaux. Cela signifie des risques en adéquation avec les statistiques. Pour cela, il procède au respect de plusieurs conditions techniques :

  • La prévisibilité. Ce qui signifie la connaissance et la maîtrise des risques depuis un certain temps via la statistique ;
  • La segmentation. Ce procédé correspond au classement des risques dans des catégories étroites de risques semblables. La segmentation  a vocation à mieux examiner les résultats et d’affiner leur tarification. Il s’agit en quelque sorte de « sous-mutualités ». Ainsi, dans l’assurance automobile, les assureurs segmentent leur portefeuille en fonction des caractéristiques des véhicules (citadines, berlines, etc.) et des conducteurs (jeunes, personnes âgées, etc.) ;
  • La dispersion : Ce procédé signifie l’éparpillement des risques afin de ne pas compromettre les comptes en cas de survenance de sinistres en série. En effet, la concentration de biens assurés dans une même région peut, par le fait de la densité d’un événement catastrophique naturel ou technologique, alourdir la charge financière de l’assureur. Ainsi, de nombreux exemples dans notre histoire nous le rappellent, comme l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, ou les inondations dans le Sud de la France.

Des risques n’étant pas homogènes et normaux sont qualifiés de risques aggravés. Cela signifie que leur probabilité de voir un sinistre se produire est statistiquement supérieure à la normale. Pour garantir l’efficacité de mutualisation des risques,  l’assureur peut :

  • Les refuser, car il n’y a aucune obligation légale d’assurer tous les risques qu’on lui présente ;
  • Les accepter moyennant une surprime ou certaines exclusions. Il peut ainsi demander une majoration de tarif ou une exclusion de certaines garanties.
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L’équilibre de la mutualité : le ratio Sinistres/Primes

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Afin de protéger l’équilibre de la mutualité, l’assureur ne doit pas dépenser plus qu’il ne reçoit. Pour évaluer la situation de son portefeuille, il utilise un outil mathématique : le ratio Sinistres/Primes, que l’on appelle aussi ratio Sinistres/Cotisations (ratio S/P ou ratio S/C).

Ce Ratio S/C est le rapport entre le montant des sinistres payés et celui des cotisations encaissées sur une même catégorie de risques. Il permet de vérifier la rentabilité d’un contrat d’assurance. Pour que la mutualisation des risques soit efficace, les assureurs doivent veiller à maintenir un bon rapport S/C.

À titre d’exemple, selon la FFA en 2018 le ratio S/C global est de 69,8 % pour l’ensemble des assurances non-vie. Cela signifie que sur cette année, les assureurs ont reversé 69,8 % des cotisations encaissées au titre des sinistres de l’année.

Pour maintenir un bon ratio S/C, les assureurs disposent de plusieurs moyens d’action. Parmi eux :

  • La dispersion des risques : Sélection de risques différents dans des zones géographiques différentes ;
  • La division des risques : Réassurance et coassurance ;
  • L’adoption de mesures de prévention : Investissement dans la prévention et imposition de mesures de prévention pour l’acceptation de certains risques ;
  • La mise en place de franchises, plafonds et exclusions : Limitation des coûts des sinistres en laissant une partie de la charge à l’assuré ;
  • L’ajustement des cotisations : Augmentation des cotisations pour compenser un exercice avec un mauvais ratio S/C ;
  • Les sanctions pour fausse déclaration : Dissuasion de fraude à l’assurance ;
  • La résiliation : Libération du portefeuille de « mauvais risques » qui pèsent trop lourds sur la mutualité. Elle ne peut intervenir que dans le respect de la réglementation.
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